Histoire de la collection fruitière du Jardin du Luxembourg

 

Une pépinière exceptionnelle dès le 17e

L’histoire de la collection fruitière du Jardin du Luxembourg trouve sa source en 1257 avec la création la demande de Saint Louis, de la Chartreuse de Paris. La confrérie s’installe au sud de Paris et prospère rapidement. Comme tout monastère, la Chartreuse de Paris possède un potager de légumes, de plantes médicinales et de fruits pour sa consommation et ses bonnes œuvres.

En 1613, la congrégation connait un illustre voisinage, puisque Marie de Médicis s’installe en limite nord de la propriété. Elle entame la construction de son Palais et de son jardin, qui deviendront le Palais et le jardin du Luxembourg. Elle souhaite étendre son jardin vers le sud, mais la congrégation résiste à ses multiples tentatives d’acquisition et continue de cultiver ses terrains.

En 1650, le verger de la congrégation prend un essor exceptionnel lorsqu’un ancien pépiniériste de Vitry se retire à la Chartreuse sous le nom de Frère Alexis. Sous sa férule, la pépinière fruitière commence à se développer. D’une économie de subsistance elle va rapidement passer à une économie de production marchande et prend une ampleur telle que ses arbres seront vendus dans l’Europe entière (jusqu'à 14 000 arbres par an en 1712).

En 1704, son successeur, Frère François ou Frère Gentil, édite « Le Jardinier Solitaire ». L’ouvrage reprend les grands principes énoncés en 1690 par Jean de la Quintinie dans son Instruction pour les jardins fruitiers et potager mais est plus accessible pour les amateurs et connait un grand succès qui participe pleinement à la renommée de la pépinière. Frère Philippe lui succède, mais à son décès aucun moine de la confrérie ne souhaite prendre sa suite.

Les Chartreux font alors appel à un laïc, Christophe Hervy. À compter de 1750, celui-ci fait fructifier le travail de ses prédécesseurs. Il dirigera la pépinière pendant 46 ans et formera également son fils Michel-Christophe Hervy. Grâce au réseau des Chartreux, il obtient, cultive et multiplie de nombreuses variétés fruitières, créant une collection unique de variétés. À la veille de la Révolution, la pépinière compte plus des milliers de plants.

 

La Révolution de 1789

À la Révolution, les biens des Chartreux sont saisis et vendus, ou abandonnés et pillés…

Pourtant, les Hervy, père et fils font tout leur possible pour sauver la collection, d’abord en fournissant deux exemplaires de chaque variété au Jardin des Plantes, puis, en transplantant dans l’urgence la collection à Sceaux (4 000 arbres avec le seul soutien d’un ouvrier et ce en pleine période de gel).

En 1801, le ministre de l’intérieur Jean Antoine Chaptal décide de rapatrier les plants à Paris dans les terrains anciennement occupés par les chartreux. Hervy fils est nommé directeur de la nouvelle pépinière du Luxembourg et au fur et à mesure des travaux d’aménagement il procède à des dizaines de milliers de plantation jusqu'en 1805. La pépinière s'étend alors sur presque 12 ha et comprend une partie école et une partie production. Dès 1807, près de 50 000 arbres sont bons à être extraits. Les arbres sont vendus aux particuliers mais aussi distribués gratuitement aux Palais impériaux et aux pépinières départementales créées sous l’impulsion de Chaptal. Outre la culture des arbres fruitiers, Chaptal a fait venir de toutes les régions un échantillon des variétés connues de vigne et les a fait planter dans la pépinière du Luxembourg constituant la plus grande collection de cépages jamais réunie en un même lieu en Europe au XIXe siècle

 

1809 : La naissance des cours du Luxembourg

En 1809, un arrêté du Comte de Champmol, ministre de l’intérieur, instaure un cours public et gratuit pour la culture des arbres fruitiers sur le site de la pépinière impériale du Luxembourg.

Le premier professeur en est naturellement Michel-Christophe Hervy, jusqu’à sa mort en 1829.

 

La pépinière, de 1809 à 1865

La pépinière connait ensuite une période difficile. Les finances sont au plus bas, et son existence même est remise en cause, jusqu’en 1935, lorsqu’une partie des terrains est affectée à la Chambre des Pairs, installée au Palais du Luxembourg. Le chef jardinier du Luxembourg, Jules Alexandre Hardy (1787-1876) a longtemps côtoyé Hervy fils. Il prend la tête de la pépinière, remet sur pied la collection fruitière, reconstitue la collection de vignes, installe sa collection de roses et la production des fleurs destinées aux parterres du jardin. En 1836, il relance également les cours d’arboriculture, crées en 1809 et interrompus en 1829 à la mort d’Hervy fils. Une partie des terrains de l’ancienne pépinière est même transformée en jardin anglais et est ouverte au public en 1848.

 

De 1865 à nos jours

Mais, la grande transformation de Paris est en marche et avec elle la disparition de ce qui reste de la pépinière. Les grands travaux d’Haussmann remodèlent le quartier et en 1865, un décret  modifie les limites du jardin du Luxembourg qui se trouve rogné par l’ouverture des rue A comte au Sud, Guynemer à l’ouest. Cette décision signe également la disparation de ce qui restait de la pépinière des Chartreux au profit d’une vaste programme immobilier, ce qui déclenche une explosion de protestations. Une enquête publique est ouverte mais le projet est maintenu, à l’exception d’une légère modification de la limite ouest du jardin. Seule la perspective de l’avenue de l’Observatoire tracée par Chalgrin et ses deux contre-allées seront sauvegardées.

Auguste Rivière, le nouveau jardinier en chef du Luxembourg, est chargé de replanter la collection fruitière dans un espace d’à peine 2 200 m² dans la partie sud du jardin fraichement aménagée dans le style à l’anglaise. C’est mission impossible et, faute de place, la collection de vignes est donnée au jardin zoologique d’acclimatation du bois de Boulogne où elle périclitera rapidement. Quant aux arbres fruitiers, pommiers et poiriers, ils sont installés en lignes serrées et conduits en formes jardinées peu gourmandes en place. C’est à ce même endroit et sous ces mêmes formes que l’on peut contempler encore aujourd’hui ce qu’il reste de la fameuse collection fruitière. Tel un acte fondateur, le chef jardinier  entreprend la formation d’un poirier en candélabre à 19 branches. Il faudra cinquante ans et trois jardiniers en chef successifs pour former l’architecture de cet arbre qui vivra 112 ans et dont le squelette est aujourd’hui conservé dans l’orangerie du jardin. Quant aux cours, ils continueront à être dispensés aux amateurs encore jusqu’à aujourd’hui.

 

La collection aujourd’hui.

Le Verger est découpé en 4 secteurs :

La carré A qui se compose de la majorité des poiriers, d’actinidias, d’un figuier, d’un pécher et de vignes.

Le carré B avec la majorité de pommiers, des pêchers, amandiers et actinidias.

Le carré C contenant des pommiers, poiriers et un cognassier.

Le carré D composé de pommiers, poiriers, vignes, figuiers et petits fruitiers.

 

Après une ouverture sur les variétés réservées aux amateurs au début du XXème siècle, la collection se recentre, à partir des années 1990, sur les variétés cultivées par les Chartreux et sur les formes fruitières, dont certaines sont très rares comme le gobelet accolé en urne ou le livre ouvert.

 

Actuellement, la collection comporte plus de 900 fruitiers, dont :

                               318 variétés de pommes

                               222 variétés de poires

                               26 variétés de vignes

                               117 variétés cultivées par les Chartreux